Bâtir sur du sable ... Pas d'avenir?
Au terme de ma carrière, une question me traversse le coeur: 'Ai-je vraiment bâti sur du sable?'
Oui, assurément! Pas au sens où on l'entend d'habitude, construction, en pure perte, vouée à la destruction, à l'échec, synonyme de travail aussi inutile que vide de sens et vite oublié! Non, une construction sur le sable, même fragile, même éphémère, peut revêtir une force, la solidité d'un projet et l'ambition de se réaliser! Cette photo me le révèle aujourd'hui. Elle est celle du lieu où un enfant, en complicité avec son papa, a passé toute une matinée à jouer, construire, rêver, s'inventer un monde qu'il a réalisé. Il s'y est entièrement plongé, en a vécu, y a grandi. A essuyé des revers, des échecs, des envies d'abandon et de saccages mais aussi ces formidables forces qui poussent à reprendre, refaire, recréer en mieux, ce qui n'avait pas tenu. Puis, tout en le construisant, l'enfant a habillé son monde, il l'a habité, y a fait vivre des personnages, héros de son histoire, hérauts de sa vie! Et quand la sagesse des adultes l'a rappelé à la raison, il a du se résigner à abandonner le terrain pour rentrer manger... Fait extraordinaire, il n'a pas tout détruit avant de quitter son château, sa ville, sa place forte. Alors que d'autres veulent tout détruire, croyant par là rester seuls propriétaires de leurs oeuvres, lui, il a tout laissé, tout offert aux suivants, aux passants, possible attentifs à ce grand bout de lui qu'il était comme enfant et avait mis dans ses jeux de sable.
Et le temps, le vent, les heures ont fait leurs oeuvres... Le monde de cet enfant s'est quelque peu usé, sa forme en a été modifiée, l'aspect changé ... mais il est resté suffisamment debout, chargé de sens, pour que mon objectif l'approche, l'accroche sans heurt, et l'emporte dans le vent, dans le temps; comme offert à ce temps des souvenirs, des réflexions, des regards sur la vie, des regards sur moi-même...
Moi aussi, j'ai tenté de bâtir un monde qui corresponde à mes rêves, mes projets, mes envies et j'ai habité ce monde et j'y ai fait vivre les jeunes, des collègues, des familles, tous mes héros. Et même si, suite à l'usure des vents du jour, ma construction n'a plus l'ampleur, la force et la vitalité de mes rêves, je sais qu'il y a encore des traces de ce que j'ai bâti sur le sable des fragilités qui étaient les miennes et celles des membres de mon équipe éducative... Mon fond de coeur reste impressionné de bien des souvenirs que je ne suis pas prêt à renier! Ils ont un avenir ... ce sera le travail des autres, ceux qui passeront par là après moi et qui reprendront, nuanceront, corrigeront mes plans, mes projets ... habités par leurs rêves de bien, de beau, de grand et d'utile pour les jeunes qui nous sont confiés par le Monde!