étiqueter ... pour prévenir?
Dans quel monde vit-on?
Hier, un professeur confiait au Conseil de classe la peur qui avait été la sienne lorsqu'il avait interpellé un élève qui lui tournait le dos et à qui une remarque (peu importante) devait être faite. 'Si vous aviez vu la rapidité avec laquelle il s'est retourné vers moi? ... C'était si soudain, si proche, si inattendu ... s'il avait eu un couteau en main, je me serais retrouvé planté!'
Dans quel monde vit-on? Le professeur avait-il des raisons objectives d'avoir peur? ... C'est une mauvaise question, il a eu peur! Il a donc été en souffrance! En soi, c'est un fait grave!
Mais ce qui est inquiétant, c'est que la peur puisse naître ainsi, qu'elle puisse gangrener notre vie d'adulte, à la fois enseignant et éducateur. Ce qui m'interpelle, c'est que la peur puissent guider nos vies professionnelles, nos missions de service, nos modalités de relations humaines avec nos élèves. Quelle est cette Société qui fabrique unEnseignement, des profs qui arrivent à imaginer qu'un élève lambda puisse être en classe avec un couteau en main et se tenir prêt à se retourner brusquement pour 'planter le prof' qui oserait lui faire une remarque.
Mais, après tout, était-ce vraiment un élève lambda? Non, bien sûr! C'était un élève dont 'on' a peur. un élève qui, par son regard, son attitude, ses gestes et ses paroles, laisse penser qu'il pourrait 'exploser'! C'est un élève qui avant même qu'il ne passe à l'acte, est étiqueté 'dangereux'! Après tout, n'est-ce pas le rôle du Conseil de classe d'être un lieu de partage, d'échange d'informations, de mises en garde? C'est de la prévention me dirait-on, c'est donc heureix! S'il s'agissait d'un produit dangereux de laboratoire ou d'une machine dangereuse de l'atelier, on féliciterait le responsable de la séurité d'avoir attirer l'attention de tous sur un danger potentiel...
Prévoir l'accident possible, le dénoncer et prévenir les utilisateurs du danger potentiel, c'est une saine gestion des risques! Mais quand 'on fait dans l'humain' ... peut-on de la même manière suspecter le danger et partager ses suspissions avant même que les faits ne se déroulent? N'y a-t-il pas un vrai risque d'enfermer le jeune dans le dérapage possible qu'il est susceptible de commettre? Par étiquetage, le risque est grand de provoquer la faute que l'on redoute. Pas facile de gérer les peurs des profs (légitimement) en souffrance et d'ouvrir les jeunes à un avenir en posant sur eux un inconditionnel regard imbibé d'un a priori favorable!